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Carte postale

Le monument Sampiero Corso

La statue de Sampiero Corso est inaugurée le 21 septembre 1890 à Bastelica. Cet évènement marque l’aboutissement d’un cycle débuté peu après 1850 et avec le rétablissement de l’Empire, quand Ajaccio se dote de monuments et statues dont le but est de glorifier le souvenir napoléonien, les Bonaparte et les corses qui se sont distingués auprès de l’empereur.

On note à Ajaccio l’inauguration de la statue de Bonaparte Premier consul par Laboureur en 1850, les monuments du cardinal Fesch par Vital-Dubray en 1854, du général Jean-Charles Abbatucci par le même artiste en 1864, de Napoléon Ier et de ses quatre frères en 1865 dont les statues sont réalisées par cinq artistes différents. A Bastia, on inaugure la statue monumentale de Napoléon Ier par Bartolini en 1854. Les autres villes de Corse célèbrent leurs personnalités de la même manière, faisant appel à des artistes renommés : à Corte, monument Pascal Paoli, par Huguenin, en 1854, du général Arrighi de Casanova, par Bartholdi, en 1868, et du général Gaffori, par Aldebert en 1900 ; à Vico, statue de Mgr Casanelli d’Istria, également par Vital-Dubray en 1887. Le corpus statuaire de cette période est sans conteste le plus abouti du point de vue artistique -tant dans sa conception que dans son exécution- et n’a pas eu d’équivalent par la suite, le corpus des monuments aux morts de la première guerre mondiale en Corse tenant une place particulière, notamment par le volume quantitatif qu’il représente.

Sampiero Corso (1498-1567), l’enfant de Bastelica, est parvenu grâce à son courage et ses talents militaires, aux plus hauts grades dans les troupes des Médicis à Rome et à Florence ; il a été un des plus braves généraux des armées de François Ier et de Henri II. Farouche opposant des génois, il sacrifiera sa vie à la liberté de son pays. Les premières initiatives pour commémorer la mémoire de Sampiero remontent au milieu des années 1850 et le conseil municipal de Bastelica s’y associe sans délai. La première liste connue des souscriptions (de 1855) fait apparaître en première position William Wise (250 francs), Alexandre Costa (30 f.), Santo Levie -d’Ajaccio- (20 f.) Thuillier [alors préfet de la Corse], V. Folacci, maire (30 f.), etc,.. ainsi que : Il consiglio municipale (1000 f.), Il consiglio di Confraternita (200 f.), Il consiglio di fabrica (150 f.), etc. Le conseil général de la Corse, lors de sa session de 1856, « […] en votant une somme de 500 f. voulu s’associer à cette manifestation nationale d’hommage rendu à la mémoire d’un illustre concitoyen ; enfin le chiffre des souscriptions atteignait déjà la somme de près de quatre mille francs, lorsque, sur la demande des habitants de Bastelica faite au gouvernement tendant à obtenir l’autorisation d’ériger sur une des places publiques de Bastelica la statue de Sampiero, Son excellence Mr le Ministre de l’Intérieur, par une dépêche envoyée à Mr le Préfet de la Corse, à la date du 5 mai 1857, écrivait à celui-ci que le moment ne paraissait pas opportun au gouvernement pour réclamer le concours des populations en faveur d’une œuvre de ce genre, et partant, d’accorder l’autorisation demandée. » «  L’élan des Corses pour payer à Sampiero le tardif tribut de reconnaissance et d’admiration, que réclamait de ses compatriotes le sacrifice qu’il avait fait de sa vie, pour l’indépendance et la prospérité de sa patrie dut s’arrêter par ce refus d’autorisation mais ils n’ont pas renoncé à faire revivre cette idée patriotique et à reprendre l’exécution de ce projet lorsque le gouvernement jugera que les temps sont propices pour le porter à bonne fin. »

Les dons sont alors déposés à la caisse des Dépôts et Consignations. Au même moment, le sculpteur ajaccien Ange MarieLanfranchi (1832-1873) postule pour l’exécution de la statue mais n’est pas retenu. Quelques années plus tard, quand le projet est remis en route, le conseil général de la Corse, lors de sa séance du 9 novembre 1871 désigne ses représentants (cinq) pour étudier la question et la statue sommant le monument.

En 1886, le docteur François-Marie Costa qui préside le comité « Sampiero Corso » dispose de 20 000 francs mais il lui en faudrait 30 000. Heureusement, les difficultés s’aplanissent : « Avec un désintéressement qui l’honore, M. Vital Dubray, nous offrit d’exécuter la statue du héros, à ses risques et périls, moyennant le produit de la souscription en cours, quelqu’en fut le montant. Aussitôt, plein d’enthousiasme, il se mit à l’œuvre, avec une ardeur infatigable, et aujourd’hui (grâce au concours non moins désintéressé, d’un jeune architecte d’avenir, M. Maglioli fils) le vœu de tous les patriotes est accompli, et le nom de Sampiero Corso rayonne sur un monument digne de lui. »

Le monument est immense : le piédestal mesure sept mètres de haut et la statue trois mètres cinquante ; l’ensemble domine le quartier environnant avec beaucoup de majesté. Le grand homme se dresse l’épée au clair, appelant les Corses aux armes. Le piédestal comporte trois bas-reliefs : Le siège de Perpignan (1542, où il sauve le Dauphin, futur Henri II, qui lui donne en récompense le collier de l’Ordre du Saint-Esprit) ; la bataille de Tenda (1554, où, aux côtés des Français, il infligea une cuisante défaite aux Génois) et L’assassinat de Sampiero (en 1567, il est victime d’un guet-apens tendu par les Génois et les parents de sa femme ». La quatrième face du piédestal porte la plaque commémorative qui surmonte des lettres de bronze rappelant les principales étapes de la vie et les campagnes militaires de Sampiero.

L’éditorialiste du Journal de la Corse du 9 septembre 1890 exprime dans quel climat se situe l’initiative de lérection du monument et son inauguration : « Dans les circonstances présentes, l’inauguration du mouvement réparateur présente un caractère tout particulier. » « N’oublions pas que le colonel général d’Ornano batailla longtemps sur le Rhin et aux Pyrénées pour arrêter les hordes allemandes qui, sous Charles Quint et sous Philippe II, menaçaient de placer toute l’Europe sous le joug teutonique. » « N’oublions pas qu’à l’heure actuelle, nos frontières rétrécies ont à redouter, comme alors, les menaces de l’Empire germanique. » « Sampiero, frappé par la balle d’un traître, près du lieu où sa statue sera érigée, ne put arracher la Corse à la domination inique des Génois ; mais il a préparé par sa mort glorieuse notre accès à la grande famille française et c’est à sa bravoure et à son patriotisme que nous devons le rang que notre île occupe dans l’histoire du monde et dans celle de la France. » « La réparation, bien que tardive, acquiert donc une importance d’actualité qu’on ne saurait méconnaître. Il est impossible que notre situation insulaire nous fasse constater l’absence du ministre de la Guerre à cette manifestation toute militaire. »

Ce monument inauguré le 21 septembre 1890 a été inscrit sur la liste complémentaire des Monuments historiques en 2008 par arrêté préfectoral du 8 février 2008.

Pierre Claude Giansily

Historien de l’art

Plaque arrierebis LowRes

 

 

Crédits photographiques, © Claude Giansily

Bibliographie

- Discours prononcé par M. le docteur F. M. Costa de Bastelica pour l’inauguration du monument à Sampiero Corso

- Giansily, Pierre Claude, « Approche de la sculpture en Corse aux XIXe et XXe siècles », Etudes corses, no 61, décembre 2005.

- Pomponi, Francis et Usciati, Jean-Jacques, De Bastelica à Bastelicaccia, L’homme et l’espace en Corse-du-Sud, éditions Alain Piazzola, 2006

- Rey, Didier, Trois vies de Sampiero Corso, Etudes corses, no 72, juin 2011, p. 65-83

- Le Mémorial des Corses, Pomponi Francis (dir.), Ajaccio, Le Mémorial (6 volumes), 1982, vol. 3, p. 383

- Vergé-Franceschi, Michel et Graziani, Antoine-Marie, Sampiero Corso, 1498-1567, un mercenaire européen au XVI° siècle, édition Alain Piazzola, Ajaccio, décembre 1999 -

 

Contribution suppléméntaire  apportée par Jean-Baptiste SETA 

 

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